Série « Supply chain » : les conseils de Sooji Im pour s’approvisionner en thé de qualité

1 6

Dans le premier opus de notre nouvelle série sur la chaine d’approvisionnement des boissons, Sooji Im, la fondatrice du jardin et magasin de thé coréen be-oom, à Londres, explique les conditions nécessaires à la production de thé de (vraiment) bonne qualité.

Le thé, une des denrées les plus appréciées du globe, celle qui a provoqué des guerres entre nations et déclenché la révolution industrielle britannique, est présent absolument partout – dans votre placard ou celui de votre entreprise, dans les chambres d’hôtel ou sur les chariots de boisson et de snacks des trains, j’en passe et des meilleures. Pas une journée ne passe sans que la bouilloire ne soit mise à contribution.

Quand il s’agit de « bon » thé en revanche, pas toujours évident de savoir de quoi on parle, ni où le trouver. Personnellement, je m’intéresse au thé coréen et à lui seul, mais en matière d’approvisionnement de qualité, les règles sont les mêmes partout.

L’endroit

Le thé partage avec le vin l’importance du rôle joué par son terroir. On englobe généralement dans le terme « terroir » le climat, la terre, l’altitude et la latitude particulières de la zone de culture du théier. Le climat à lui seul ayant un impact non négligeable, aussi bien sur la survie de la plante que sur le développement des saveurs et des arômes. En règle générale, le théier s’épanouit sous des climats humides et chauds (21-29 °C), aux pluies abondantes. Et, à l’instar des humains, une petite touche de stress le pousse à développer son caractère unique.

L’altitude joue un rôle important dans la mesure où elle influence le climat local – les régions de haute altitude présentent généralement un climat complexe (brume, variations de température au fil de la journée, vent, pluie, etc.) qui agit comme un facteur de stress sur les plantes. Le thé cultivé à haute altitude développe donc un arôme distinct, unique, tandis que le thé cultivé sous un climat constant offrira un goût relativement « plat ».

Le goût du théier varie énormément en fonction du terroir. Les deux régions coréennes où je me fournis, Boseong et Hadong, situées le long de la côte sud, jouissent de l’environnement idéal – la région présente des collines et montagnes, entourées de rivières et riches en minéraux naturels. La température moyenne à la saison de la cueillette oscille entre 10 et 27 °C, avec des pluies abondantes.

Les personnes

On constate souvent que les cultures de thé sont implantées dans des régions spécifiques : si le terroir joue évidemment un rôle crucial, les ressources et compétences humaines sur le territoire n’en sont pas moins importantes. Les compétences en culture et en traitement (soit la cueillette, le flétrissage, l’oxydation, le roulage et la dessiccation) des cultivateurs impactent grandement le goût du thé. Ces compétences sont généralement transmises de génération en génération, chaque famille ayant sa propre « recette » et donc son propre thé.

Voilà pourquoi j’aime m’approvisionner auprès d’exploitations familiales, en place depuis plusieurs générations. Par exemple, une des exploitations de thé avec laquelle je travaille, à Boseong, est tenue par la quatrième génération de la famille, et se spécialise dans le thé vert ; une autre ferme familiale auprès de qui je me fournis, à Hadong, est en place depuis trois générations et applique une recette unique de balhyocha (thé oxydé), dont le parfum et le goût rappellent fortement le chocolat noir.

Même au sein d’un même établissement, il arrive que la saveur du thé varie d’année en année, et de récolte en récolte (la récolte de printemps étant la première de l’année) – encore une caractéristique commune avec le vin, bien que dans le cas du thé, il soit conseillé de le consommer dans l’année de production (à l’exception du puerh). Personnellement, j’aime goûter les thés juste après la récolte (vers avril) pour commencer ma sélection annuelle.

La qualité

En quoi le goût d’un bon thé va-t-il différer de celui d’un thé de supermarché ? me demanderez-vous. Eh bien, pour faire très simple, avec un bon thé vous n’avez besoin ni de lait, ni de sucre. Son arôme et ses saveurs sont puissantes et uniques, et il n’aura définitivement pas besoin d’être aromatisé. Si certaines entreprises ajoutent tout de même des parfums naturels ou artificiels aux feuilles, il est généralement admis qu’un bon thé se suffit à lui-même.

À mes yeux, le bon thé offre une douceur unique qui vient vous napper l’arrière de la gorge après la gorgée – on appelle ça le « hui gan » (retour de douceur). Rien à voir avec le sucre, mais plutôt avec une sensation délicate et agréable qui s’attarde dans la bouche, avec un arôme unique et propre au thé. La prochaine fois que vous buvez une gorgée de votre thé préféré, fermez les yeux, inspirez profondément et prenez le temps de voir si vous percevez un retour de douceur et d’arôme – comme vous le feriez avec un bon verre de vin ou de whisky.

Le thé de qualité n’est pas dur à trouver… si vous le cherchez bien. La première étape consiste à consulter le dos de l’emballage afin de connaître sa provenance et de comprendre ses spécificités. Mais au final, c’est surtout une question de préférences personnelles. Un thé a beau être le préféré d’une personne, il ne sera pas forcément votre tasse de thé.